On the edge of the war zone – chapitre 31
CHAPITRE XXXI
10 Janvier 1917
Je suis allée à Paris, comme je vous ai dit que je l’espérais. Il n’y a rien de nouveau là-bas, sauf que, dans de nombreux domaines, ils commencent à souffrir de la guerre, et, tout compte fait, on parle trop de choses que personne ne peut vraiment connaître. J’étais toujours étonnée de voir tant de gaieté. En un sens c’est actuellement largement dû au grand nombre d’hommes en permission. Les rues, les restaurants, les salons de thé, en sont pleins, ainsi, m’ont-ils dit, que les théâtres. Savez-vous ce qui m’a frappée le plus fortement ? Vous ne le devinerez jamais. C’était le fait que les hommes en pantalons longs semblaient parfaitement absurdes. Je suis tellement habituée à la culotte et aux guêtres, que les plus élégants pantalons que je voyais sur les boulevards me semblaient laids et ridicules. Je laissai l’officier cantonné dans ma maison protectrice. La dernière fois que je l’ai vu il était assis au bureau dans le salon, sa pipe à la bouche, paraissant confortable et au chaud, et comme s’il était installé pour la vie. Je restai seulement quelques jours et revins pour la Saint Sylvestre, pour découvrir qu’il était parti la nuit précédente, ayant été soudain transféré dans l’équipe du Commandant de la Première Armée comme officier de liaison, et j’eus à la place un jeune sous-officier de vingt-deux ans, qui se révéla être un cousin du célèbre espion français, le Capitaine Luxe, qui fit cette évasion sensationnelle d’une prétendument imprenable prison militaire allemande. Je suis sûre que vous vous souvenez de cet incident, comme les journaux américains ont consacré des colonnes à ce fait sans précédent. Le héros de cette épisode sensationnelle est toujours dans l’Armée. Je me demande ce que les allemands feront de lui s’ils l’attrapent de nouveau ? Il semble difficilement imaginable qu’ils lui laisseront une seconde chance de sauver sa vie. |
Je me demande si cette évasion sert de modèle dans les livres allemands pour illustrer les tactiques militaires dans leurs écoles militaires ? Savez-vous que dans chaque école militaire française la reconnaissance que le Comte Zeppelin a faite en Alsace en 1870, quand il était officier de cavalerie, est donnée comme un modèle de stratégie et de courage ? Je ne le savais pas jusqu’à ce qu’on me le dise. Assez curieusement tout ce que Zeppelin a fait depuis, pour offenser les idées françaises concernant l’éthique en temps de guerre, n’a pu ternir l’admiration ressentie par chaque officier de cavalerie pour son fait ingénieux en 1870.
Jeudi dernier, c’était le 4, nous avons eu notre deuxième relève. La nuit précédant leur départ des officiers sont venus pour dire au revoir, et pour m’apprendre que l’Aspirant qui avait été avec moi en décembre aurait de nouveau ses quartiers chez moi, si je voulais de lui, naturellement j’acceptais. Alors le Lieutenant supérieur me dit que le régiment avait quelque peu souffert d’un bombardement important les jours après Noël, que l’Aspirant n’avait pas seulement montré un courage merveilleux, mais l’avait échappé belle, avait été cité à l’ordre du jour, et allait avoir sa première décoration. Nous avons tous été aussi fiers de lui que s’il avait été un des nôtres. On m’a dit qu’il avait été envoyé dans la première ligne des tranchées, à seulement environ 200 mètres du front allemand pendant le bombardement, « pour encourager et réconforter ses hommes » , (je cite), et qu’une bombe avait explosé au-dessus de la tranchée, et fait un trou dans son casque d’acier. Je ne sais pas ce qui m’a impressionnée le plus, l’idée d’un garçon de vingt ans ayant inspiré la foi en son courage chez ses officiers supérieurs, jusqu’à recevoir une mission de réconfort et d’encouragement auprès des hommes, ou le fait que si l’Armée avait eu ses casques en acier au début de la guerre beaucoup de vies auraient été sauvées. L’Aspirant arriva avec le second détachement l’avant-dernière nuit, le 8. Le régiment avait pris ses quartiers avant qu’il apparaisse. Nous avions commencé à craindre qu’il ne lui soit arrivé quelque chose quand il arriva, fraîchement rasé et propre, mais avec un manteau troué sur le bras, et un casque cabossé à la main. Amélie l’accueillit avec un : «Bien, jeune-homme, nous pensions que vous étiez perdu ! ». il expliqua en riant qu’il avait fait sa toilette, vu le tailleur du régiment, et commandé un nouveau manteau. « Je n’aurais voulu pour rien au monde que Madame me voie dans l’état où j’étais il y a une heure. Elle doit voir mes chiffons, mais je lui épargne la crasse », et il leva le manteau pour montrer les déchirures grossièrement cousues, et tourna son casque pour montrer le trou dans le haut. « Et voici ce qui m’a frappé », et il sortit de sa poche un morceau grossier d’obus, et le leva comme s’il était très précieux. En effet il l’avait enveloppé dans une enveloppe propre, tout prêt à être emporté à Paris, et montré à sa mère, comme il doit avoir sa permission d’une semaine pendant qu’il est ici. J’ai eu envie de dire « Ne le faites pas », mais je m’en suis abstenue. Je suppose qu’il est difficile pour un soldat ambitieux de vingt ans, de réaliser que la mère d’un fils unique, et d’un garçon comme lui, peut, à côté de la fierté qu’elle ressent dans son cœur, avoir des sentiments. Ainsi maintenant nous sommes de nouveau installés, et habitués au trot des chevaux, à la frappe des grenades, et aux tirs des mitrailleuses. De la fenêtre où j’écris, je suis dans le grenier, qu’Amélie appelle l’ « atelier », parce qu’il est en haut de la maison, et a une lumière minuscule dans le toit, ceci étant le seul endroit où je suis sûre de ne pas être dérangée, je peux voir les chevaux entraînés dans le vaste champ sur le côté de la colline entre ici et Quincy. Ils font leurs manœuvres avec toutes sortes de bruits autour d’eux, même au milieu des tirs de grenades et de canons. En dépit de tout cela il a failli se produire un drôle d’accident juste devant la barrière il y a une demi-heure. La batteuse est en marche devant la vieille grange de l’autre côté de la route, juste au-dessus de ma maison. Les hommes revenaient du petit-déjeuner, et mettaient la machine en marche juste au moment où deux soldats montés, chacun conduisant deux chevaux, sortirent de la grange d’Amélie, et commencèrent à descendre la colline au trot. Au moment précis où les chevaux étaient en train de passer devant la machine, et l’espace entre la machine et le bord du chemin était à peine suffisant, un homme insouciant fit retentir trois fois des sons affreux avec son sifflet à vapeur pour appeler ses aides. Les chevaux de cavalerie étaient habitués aux canons et à entendre siffler les officiers de façon stridente avec leur bouche, mais pas à une sirène à vapeur, et en un instant il y eut la plus terrible confusion que je n’aie jamais vue. Je m’attendais à voir les deux cavaliers tués, et je ne sais pas pourquoi ils ne le furent pas, mais aucun homme ne fut éjecté, bien qu’il aient eu trois chevaux effrayés à maîtriser. L’homme qui s’occupait de la machine a fait une chose stupide. Il aurait seulement attendu une minute et les chevaux auraient eu une route dégagée devant eux. Mais il « n’a pas réfléchi ». La chose curieuse est que les soldats n’ont pas dit un gros mot. Je suppose qu’ils sont habitués au pire. |
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Excellente idée Jean-Michel d’avoir illustré l’article avec la photo d’Amélie, car au fil des chapitres on se prend de sympathie pour elle. Ce n’était peut-être pas une beauté, mais quel visage intelligent, reflétant de la personnalité, et sympathique.
Amélie est en effet un personnage attachant important dans le récit.
Elle restera très attachée à Mildred jusqu’à la mort de cette dernière en 1928.